Cibler localement la graisse est un mythe

Cibler localement la graisse à l’entraînement : pourquoi vous perdez votre temps

Oui, autant le dire tout de suite et de façon claire : la perte de masse grasse localisée est un mythe. Aussi cet article sera (relativement) court, pour changer :)

Malheureusement cette croyance sportive est encore trop répandue, et beaucoup pensent qu’il est possible de réduire la graisse de manière localisée en travaillant un groupe musculaire particulier, ou via des exercices à dominante cardio-vasculaire.

Nous ne tenons plus le compte des personnes qui nous ont demandé comment perdre leur petit ventre, en attendant que nous leur conseillions des exercices pour les abdominaux pour “cibler” cette zone !

Que nous dit la science à ce sujet ? Et bien à ce jour, aucune étude n’a démontré cette possibilité. Pour les plus sceptiques d’entre vous, voici les résultats des trois études les plus récentes et surtout aux protocoles les plus pointus et considérables.

 


Étude 1 : l’impact d’un programme d’entraînement d’endurance musculaire (séries longues à intensité faible) sur la composition corporelle à un niveau local et sur d’autres régions du corps.

La première étude (1), publiée en 2013, a consisté à examiner pendant 12 semaines l’impact d’une série unique très longue à intensité faible sur la perte de masse grasse localisée au niveau d’une cuisse (quand on dit « série longue », c’est LA série longue : 80 minutes d’extension unilatérale de la jambe non-dominante sur une presse, environ 960-1200 répétitions de 10 à 30% de la force maximale, et ce 3 fois par semaine). De plus, les habitudes alimentaires des participants (7 hommes, 4 femmes) ont été suivies avant et après les 12 semaines du protocole. Leur taux de masse grasse, masse maigre*, masse osseuse étaient mesurées avant et après les entraînements, sur l’ensemble du corps et sur des zones en particulier, grâce à un appareil d'absorption bi-photonique à rayons Xappareil d’absorption bi-photonique à rayons X .

Résultat ? Au bout des 12 semaines, la perte de masse grasse totale fut significative (-5.1%), une perte au niveau du tronc et des bras également (-6.9% et -10.2% respectivement), mais aucune perte au niveau de la cuisse qui a été entraînée pendant 12 semaines ! 

*c’est-à-dire la masse de tout sauf de la masse grasse : masse totale de la peau, des os, des muscles, des organes et des liquides du corps humain.

 


Étude 2 : l’impact d’un entraînement des abdominaux sur la masse grasse locale, avec déficit calorique.

La deuxième étude (2), publiée en 2015, est encore mieux : des chercheurs ont analysé s’il était possible de perdre la masse grasse autour des abdominaux, grâce à la fois à un travail musculaire spécifique et une alimentation en déficit calorique. 30 femmes en surpoids ou obèses ont suivi 12 semaines de protocole. Elles ont été assignées aléatoirement  à deux groupes : Diète uniquement et Diète + entrainement. La diète était la même pour les deux groupes et consistait en un déficit calorique de 10 kcal/kg de masse corporelle, le tout suivi par une nutritionniste. Pour le deuxième groupe, l’entraînement consistait, 3 fois par semaine, en 4 exercices pour les abdominaux : crunch, crunch oblique, rentrer de ventre, contraction isométrique des abdominaux avec blocage de la respiration. Pour chaque exercice, les participantes réalisaient 2 séries de 8 répétitions avec 2 minutes de repos entre les séries.

Avant et après les 12 semaines, les chercheurs ont mesuré leurs tours de taille et de hanche, leur pourcentage de masse grasse, ainsi que l’épaisseur de la masse grasse abdominale sous-cutanée et le pli cutané ombilical (2 cm à droite du nombril).

Résultat après 12 semaines ? Tous les paramètres mesurés ont été améliorés quelque soit le groupe (poids, graisse abdominale sous-cutanée et le pli cutané ombilical, tour de taille, tour de hanche, pourcentage de masse grasse), mais la différence entre les deux groupes n’a pas été significative : les exercices pour abdominaux n’ont pas eu d’effet sur la masse grasse de cette zone.

 


Étude 3 : l’impact d’un entraînement des abdominaux sur la graisse locale, avec une alimentation isocalorique.

La troisième étude (3) est similaire à la précédente, sauf que tous les participants (14 hommes, 10 femmes) ont dû maintenir un apport calorique constant durant tout le protocole. Leur poids, leur pourcentage de masse grasse, l’épaisseur de la masse grasse abdominale sous-cutanée et leur tour de taille (entre autres) étaient mesurés avant et après les entraînements. Les participants ont été assignés aléatoirement à deux groupes : un groupe de contrôle et un groupe « abdominaux ». Les sujets du deuxième groupe ont réalisé, pendant 6 semaines, 5 entraînements par semaine composés de 7 exercices ciblant les abdominaux. Avec 2 séries de 10 répétitions pour chaque exercice, cela fait 4200 répétitions sur 6 semaines. Le groupe de contrôle n’a suivi aucun entraînement.

Résultats encore une fois : aucun changement significatif sur les paramètres mesurés, l’épaisseur de la masse grasse abdominale n’a que peu évoluée.

 


Que retenir de ces études ?

Alors bien sûr il peut toujours exister des limitations dans les études scientifiques. En l’occurrence, le niveau d’activité physique des participants en dehors des phases d’entraînement n’était pas forcément contrôlé (pour la deuxième étude notamment). On peut également regretter les faibles nombres de participants des trois études, et le choix des exercices (même s’ils sont plutôt représentatifs de ce qu’on peut observer en salle de sport…).

Tout de même, on peut retenir des recherches scientifiques de ces trente dernières années (4, 5 ,6) qu’à courts termes, un travail ciblant les abdominaux en particulier, même ajouté à une alimentation hypocalorique, n’est pas plus efficace que l’alimentation seule pour réduire la graisse de cette zone.

De plus, la science nous apprend que même avec un haut volume d’entraînement (100, 500, ou 1,000 répétitions si vous voulez) et avec une pléthore d’exercices, la perte de gras n’apparaîtra pas dans la zone ciblée principalement par ces exercices, et se fera même dans des zones non-adjacentes au muscle exercé.

 

Les connaissances scientifiques sont encore limitées sur le fonctionnement précis du processus de perte de gras, mais on sait qu’il s’agit d’un processus global. Les chercheurs de la première étude ont émis les hypothèses suivantes à ce propos :

  • L’effort physique augmente la concentration d’adrénaline dans le sang, favorisant la libération par les tissus adipeux des acides gras dans le système sanguin. Or la modification de l’environnement hormonal (l’augmentation d’adrénaline) survient dans tout le flux sanguin, pas seulement dans la partie du corps qui était entraînée.
  • Les sujets de l’étude disposaient au départ de 54% de leur masse grasse au niveau du tronc, 36% dans les jambes et 10% dans les bras. Or c’est au niveau du tronc que la perte de masse grasse a été la plus significative en moyenne. La diminution de masse graisseuse commencerait donc d’abord dans les régions du corps où les cellules adipeuses se sont le plus accumulées. Les auteurs citent d’ailleurs une autre étude qui avait montré que les dépôts de gras du tronc étaient plus sujets à l’oxydation mitochondriale des lipides que les dépôts de gras des membres inférieurs (7).

 

Même s’il faudra valider ce genre d’assomption par de nouvelles recherches, on peut dire sans trop de risque que c’est une perte de temps que d’essayer de cibler la graisse qui entoure vos abdos, ou triceps, ou l’intérieur des cuisses, ou encore de vos fesses.

Des programmes d’entraînement qui intègrent un grand nombre de répétitions quelques soient les exercices (globaux comme les burpees, ou d’isolation pour un groupe musculaire en particulier) peuvent être efficaces pour perdre de la masse grasse, mais cette perte se fera sur le corps entier, et dépendra surtout de votre apport calorique.

La perte de gras étant majoritairement influencée par l’alimentation, nous recommandons pour cet objectif un entraînement musculaire à haute intensité, aux bénéfices plus nombreux qu’une faible intensité soutenue longtemps (comme dans les protocoles des études présentées).

 

Et si vous ne savez pas quoi faire comme abdominaux, c’est par ici que ça se passe !

 

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Références

1.
 Ramirez-Campillo R, Andrade DC, Campos-Jara C, Henriquez-Olguin C, Alvarez-Lepin C and Izquierdo M. Regional fat changes induced by localized muscle endurance resistance training. J Strength Cond Res 27 (8) : 2219-2224, 2013.

2.
 Kordi R, Dehghani S, Noormohammadpour P, Rostami M and Mansournia MA. Effect of abdominal resistance exercise on abdominal subcutaneous fat of obese women : A randomized controlled trial using ultrasound imaging assessments. J Manipulative Physiol Ther 38 (3) : 203-209, 2015.

3.
 Vispute SS, Smith JD, LeCheminant JD, Hurley KS, The effect of abdominal exercise on abdominal fat. J Strength Cond Res. 2011 Sep;25(9):2559-64. doi: 10.1519/JSC.0b013e3181fb4a46.

4.
 Wilmore JH, Després JP, Stanforth PR, Mandel S, Rice T, Gagnon J, Leon AS, Rao D, Skinner JS, Bouchard C, Alterations in body weight and composition consequent to 20 wk of endurance training: the HERITAGE Family Study. Am J Clin Nutr. 1999 Sep;70(3):346-52.

5.
 Perez-Gomez J, Vicente-Rodríguez G, Ara Royo I, Martínez-Redondo D, Puzo Foncillas J, Moreno LA, Díez-Sánchez C, Casajús JA, Effect of endurance and resistance training on regional fat mass and lipid profile. Nutr Hosp. 2013 Mar-Apr;28(2):340-6. doi: 10.3305/nh.2013.28.2.6200.

6.
 Nindl BC1, Harman EA, Marx JO, Gotshalk LA, Frykman PN, Lammi E, Palmer C, Kraemer WJ, Regional body composition changes in women after 6 months of periodized physical training. J Appl Physiol (1985). 2000 Jun;88(6):2251-9.

7.
 Horowitz,  JF.  Fatty  acid  mobilization  from  adipose  tissue  during  exercise.  Trends  11  Endocrinol Metab. 14(8):386-92, 2003

Pour un peu plus de détails sur les deux premières études, vous pouvez lire deux excellents compte-rendus en français ici :
http://www.sci-sport.com/articles/est-il-possible-de-perdre-localement-en-masse-grasse-grace-a-un-travail-musculaire-specifique-089.php
http://www.sci-sport.com/articles/l-impact-des-exercices-pour-abdominaux-sur-la-perte-de-masse-grasse-locale-130.php

3 Comments

  1. Claire dit :

    Je vous remercie pour votre article très complet et bien documenté. Il m’évitera une erreur…
    Bonne soirée

  2. Elise dit :

    Articles très intéressant, mais j’ai quand même une interrogation. L’entraînement, la musculation permet-elle d’empêcher le dépôt de gras sur une zone ciblée du corps ? Par exemple dans le cadre d’une prise de poids/ de masse ..?

    • Antoine dit :

      Merci pour ton retour Elise ! À mon avis, dans le cadre d’une prise de masse, ce qui fait que l’entraînement permettra ou non d’empêcher une trop grande prise de gras, ce sont la fréquence et l’intensité des séances. Cependant c’est côté cuisine que la solution existe, puisque l’augmentation de la quantité de protéines consommée permettrait de limiter la prise de masse grasse. Nous avons justement un article sur le sujet ! C’est par ici : https://www.fitnessheroes.fr/quantite-proteines/

      À bientôt !

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